Sur les traces du Brainstorming
Édouard Chamblay* mène une thèse de sociologie sur la créativité au travail. En poursuivant son investigation à travers une enquête de terrain aux États-Unis, notamment sur les fondements du brainstorming, il est tombé sur les traces d’un certain Marcel Chapotin.
Un 1er enseignement à partager ?
Dans ma thèse, je m’intéresse à la diffusion des méthodes de créativité. Je remonte à leur création, je renseigne les endroits où elles sont utilisées et les publics à qui elles se destinent. Le premier enseignement de cette recherche, c’est que les méthodes vendues aujourd’hui comme disruptives diffèrent assez peu de ce qu’on trouvait déjà dans les années 1950. On change leur nom, on repense un marketing séduisant et d’un coup de baguette magique, on a une toute nouvelle méthode !
À l’inverse, il existe une méthode qui a été vidée de son sens et de ses fondements jusqu’à devenir un mot générique : le « brainstorming ». De nos jours, tout le monde connaît et emploie ce mot sans forcément connaître les règles qui l’entourent.
T’as trouvé quoi sur le brainstorming ?
A l’Université de Buffalo, j’ai fouillé les archives de l’inventeur du brainstorming. Alex Osborn, publicitaire américain et fondateur de l’agence BBDO, a caché un véritable trésor dans ses cartons poussiéreux. J’y ai trouvé des ébauches de formalisation du brainstorming et les premiers compte-rendu de séance dans les années 1950.
Un truc qui a retenu ton attention ?
Je suis tombé sur un dossier qui rassemblait des coupures de presse hexagonale, mais aussi des échanges de lettres entre l’inventeur du brainstorming et des publicitaires français.
Mon attention s’est portée sur un certain Marcel Chapotin, qui figure parmi les premiers importateurs de la méthode en France. En 1958, il animait par exemple un « brainstorming paroissial » dans la paroisse de l’église de Neuilly-sur-Seine. Le problème, c’est qu’il n’a laissé presque aucune trace de lui !
Tu as cherché à en savoir davantage sur Marcel Chapotin ?
À mon retour en France, j’ai mené mon investigation. J’ai fréquenté la paroisse de Neuilly, j’ai visité des blogs historiques amateurs sur Internet, je me suis même engouffré dans un immeuble à la recherche des ayant droits de Marcel Chapotin… D’indices en indices, j’ai réussi à interviewer deux hommes qui l’ont bien connu. Aujourd’hui, ma thèse raconte le parcours anecdotique de cet anonyme au sein de la grande histoire de la créativité.
Édouard Chamblay mène une thèse de sociologie chez Génie des Lieux et au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Ses recherches portent sur les pratiques associées à la créativité en entreprise. L’agencement des bureaux, la prescription de méthodes de créativité, l’autonomie au travail, la quête d’épanouissement et de performance sont autant de thèmes que son enquête explore. Grâce à cette thèse, l’ambition de Génie des Lieux est de produire des connaissances hors du sillon tracé par les grandes modes pour accompagner ses clients dans l’amélioration de leurs dispositifs de créativité.