Sur quels leviers agir pour faire revenir les collaborateurs au bureau ?
Ce n’est un mystère pour personne : le COVID a changé nos manières de vivre, que ce soit du côté professionnel, comme du côté de nos vies personnelles. Du « Je quitte tout et je pars vivre à Brest » à « Mais qu’est-ce que je fous dans cette boîte au juste ? », cette crise a été le déclencheur d’une remise en question à l’échelle nationale. Dans ce marasme de pensées, un mot que l’on noyait jusqu’à présent au plus profond de nos tâches rébarbatives a refait surface : celui du « sens ». Nous passons en moyenne 71% de notre semaine au travail. Alors quitte à perdre sa vie à la gagner, autant y trouver du sens, non ?
L’importance que l’on donne à sa profession, son impact sur la société et l’épanouissement personnel qu’elle engendre sont revenus sur le devant de la scène. Et le COVID n’a pas attendu longtemps pour nous sortir de notre léthargie.
Aujourd’hui, le phénomène de la grande démission qui en résulte porte un nom : le Quiet Quitting. Les salariés ne sont plus là et sont las, et ils partent en quête de leur sens profond. La valeur même du travail est de plus en plus questionnée et les bureaux sont désertés par les salariés aux profits bien souvent de quelques jours de télétravail par semaine.
Autant dire qu’en tant que designers d’espace de travail, chez Génie des Lieux, les questions sur le retour au bureau, on en mange matin, midi et soir. Et donc on a fini par se poser la question : est-ce que le design peut sauver les entreprises de la grande démission ?
Le design à la rescousse du travail
Mars 2019. La première vague de COVID frappe le monde et des millions de personnes se retrouvent confinées à leur domicile du jour au lendemain. Forcée à travailler depuis leur bureau personnel (ou leur table de salon), la population expérimente pour la première fois un télétravail obligatoire de masse. Les salariés goûtent alors à un confort auquel ils aspiraient depuis toujours : celui de s’affranchir de l’infernal trajet domicile-bureau. Se sentant pousser des ailes, certains se sont même pris à télétravailler dans d’autres lieux que leur foyer. Ils ont alors franchi les frontières de la ville voire même celles…du pays. Et soudain, c’est la révélation : en effet, si l’on peut effectuer les mêmes tâches les pieds dans l’eau sur une plage à Bali, autrement dit dans un tier-lieu, pourquoi se donnerait-on la peine de revenir dans son bout de bureau à Nogent-sur-Marne ?
Contre toute attente, cette parenthèse a offert au salarié un temps qui lui est bien trop souvent arraché : celui de l’introspection. On réinterroge la place qu’occupe son travail dans sa vie à l’heure où les frontières entre vie pro et vie perso deviennent de plus en plus poreuses. Quel sens j’accorde à mon travail ? Suis-je vraiment aligné avec les valeurs que défend mon entreprise ? Et plus largement : quel sens ai-je envie de donner à mon existence ?
Isolé des autres, et en réalité, isolé de presque tout, le salarié revoit ses positions et ses priorités. L’envie de revenir au bureau, elle, n’est (presque) plus là. Et depuis, on entend les managers se morfondre de l’absence de leurs subalternes : « Il est où le collectif lorsqu’on est à distance, il est où ?! ». Peur viscérale du manager, la distance est pointée du doigt. Cependant, il convient de se demander si cette dernière est réellement synonyme de perte du collectif. La légende voudrait que, isolé et loin de ses congénères, le collaborateur soit moins enclin à cultiver l’esprit d’équipe.
Et c’est bien connu, designers et légendes ne font pas bon ménage. Pour nous les faits sont d’or, et pour les obtenir, l’observation est de mise. Si les salariés ne veulent plus revenir au bureau, il faut savoir pourquoi. Et donc, interroger l’utilisateur – un fondamental de la pensée design – semble évident.
Et c’est précisément là que le design entre en jeu. En sondant à la fois les besoins de l’entreprise et ceux des utilisateurs, il permet de converger vers une solution normalement viable pour les deux parties. Soulignons que l’objectif de l’entreprise ne doit pas prévaloir sur les besoins des utilisateurs, sous peine de délivrer un service inadapté et boudé de tous. Impliquer les parties-prenantes ainsi que les utilisateurs dans le processus de définition et de résolution du problème devient donc primordial afin de trouver un juste équilibre pour le retour au bureau de vos collaborateurs.
Comment faire revenir vos collaborateurs au bureau grâce au design thinking ?
L’entreprise est une organisation vivante. Et qui dit vivante, dit, par conséquent, évolutive. La solution pour anticiper et amorcer les changements nécessaires réside dans l’approche systémique – c’est-à-dire en ayant conscience que l’entreprise fait partie d’un macrocosme. Par exemple, les besoins de l’entreprise vont varier selon le contexte social (coucou le COVID, les gestes barrières et la distanciation sociale) et politique (salut la guerre en Ukraine), et il en va de même pour ses salariés (inflation, confinement). Et ces paramètres s’influenceront les uns les autres.
Sans aller dans ces extrêmes, certains cas de figures sont cependant assez courants :
- Les situations personnelles évoluent. La vie d’un collaborateur change au fil de sa vie professionnelle. Célibataire fêtard, marié dynamique, père impliqué dans les apprentissages de ses enfants… Les besoins et les envies changent, et ne sont pourtant jamais questionnés.
- La pression économique liée à l’immobilier peut engendrer des migrations vers des régions plus abordables, potentiellement éloignées de l’entreprise. Pourquoi s’imposer de vivre où la vie est la plus chère ?
- Enfin, la santé aussi influe sur les besoins des collaborateurs. Nous sommes tous concernés à un moment ou un autre par des problèmes plus ou moins incapacitants qui peuvent impacter notre confort et donc notre performance au travail.
- La vie personnelle. Pourquoi consacrer autant de temps à l’entreprise ? N’ai-je pas mieux à faire, d’autres projets personnels qui me sont chers ?
- Mission et culture d’entreprise répondent-elles à mes valeurs profondes ? Veux-je vraiment consacrer 42h de ma semaine à la vente de nuggets ?
Aujourd’hui, si l’entreprise souhaite fidéliser ses collaborateurs, elle doit plus que jamais s’interroger sur les conditions de travail qu’elle leur propose. Le rapport de force s’est inversé : là où par le passé elle demandait un engagement sans faille de la part de ses salariés, désormais, l’engagement doit se trouver du côté de l’entreprise. A titre d’exemple, une étude de l’Adp Research InstituTe estime que 71% des jeunes pourraient quitter leur emploi si on leur demandait de revenir 100% en présentiel. On entre dans le constat que si l’entreprise veut soigner le professionnel, elles sont maintenant obligées de prendre en compte la vie personnelle de ses salariés.
Ne serions-nous donc pas en pleine démarche de design thinking ? Questionner ses salariés sur leurs besoins, aligner les objectifs, trouver des solutions… Si l’on applique la démarche jusqu’au bout, entreprise et salarié pourraient alors effectuer des phases de test pour valider ou invalider les solutions qu’ils auraient élaborées ensemble.
Car le design thinking a cette capacité de mettre en lumière l’ensemble d’un système et ses points de douleurs. On interroge l’utilisateur, on élabore des solutions rapidement et surtout, on les vérifie par itération. Elle promet donc, par cycles courts, une adaptation rapide. Dans un monde bousculé par les imprévus, la solution n’est-elle pas toute trouvée pour l’entreprise ? A la manière d’un chercheur, elle se doit de questionner et d’expérimenter par cycle sous peine de foncer droit dans le mur érigé par ses certitudes.
Conclusion
Face à notre exemple du quiet quitting, l’entreprise se doit de s’intéresser à ses salariés et de réévaluer ses solutions. Elle doit repenser, certes, le collectif, mais aussi l’individu. Elle ne peut plus aligner tout le monde avec la même solution puisque l’on constate désormais que chacun possède des attentes personnelles et donc, différentes. Pour cela, elle se doit d’élargir le spectre de ses personae : âge, profil, handicap, télétravail, engagement rse, remote…Il ne s’agit pas de répondre au quiet quitting par le lieu de travail en se disant : « Venez chez nous, nous avons les bureaux les plus cool de toute la start-up nation », mais plutôt par un espace élargi au-delà du lieu physique. C’est un décadrage qui vient questionner les lieux, les modes de travail, l’organisation, les valeurs, et la vie personnelle.