Comment évaluer l’espace de travail ?
Qu’est-ce que « l’espace de travail » et comment l’évaluer ? Génie des Lieux vous dit tout
S’entendre sur la place accordée à l’espace de travail dans l’organisation
La première question à poser est de savoir ce que l’entreprise attend de l’espace de travail. En quoi l’espace est-il capable de produire des effets ? il y a derrière cette question l’idée que l’espace a un pouvoir contraignant en même temps qu’il a une puissance de ressource.
On pourrait donc en prédire ou en attendre des effets, sur les comportements, sur la performance. À cette question, on ne peut dire ni oui, ni non. Cela dépend de la manière dont l’espace vient soutenir un projet qui n’est pas spatial mais organisationnel. autour des open spaces, l’idée valorisée est qu’ils sont favorables à la communication, à la coopération.
En réalité, l’open space peut être contré par l’absence de coopération. s’il n’y a pas de coopération, il devient une violence. inversement, on peut tout à fait coopérer sans open space. il n’y a pas de relation automatique de l’un à l’autre. Par contre, l’espace peut avoir une puissance. Pour Génie des Lieux, « l’espace ouvert est un accélérateur de la qualité de relations de travail, qu’elles soient bonnes ou mauvaises ». il peut soutenir une intention organisationnelle en lui offrant un cadre. il faut pour cela qu’il y ait une antériorité de la politique sur l’immobilier.
Définir le périmètre de l’évaluation
La question de l’espace ne se résume pas à un taux d’occupation. Ce qui compte, c’est la manière dont il est habité et investi. s’intéresser au travail des gens, cela veut dire se demander non pas comment l’espace de travail est « occupé », mais comment il est « habité ».
Bien distinguer occuper et habiter l’espace de travail
La question de l’espace ne se résume pas à un taux d’occupation. Ce qui compte, c’est la manière dont il est habité et investi. s’intéresser au travail des gens, cela veut dire se demander non pas comment l’espace de travail est « occupé », mais comment il est « habité ».
La mesure de la qualité de l’habitation n’est pas la même que celle qui rend compte de l’occupation. Cela éclaire la question de la saturation. Personne n’ambitionne de saturer son espace domestique, chez lui.
On comprend bien le point de vue (gestionnaire) de l’entreprise, mais du point de vue de l’activité, si l’on veut que les gens s’investissent, qu’ils s’y retrouvent, qu’ils ressentent du bien-être, qu’ils soient dans la coopération, il faut parler non pas en termes d’occupation, mais d’habitation. Les projets doivent pouvoir résister à une grammaire de l’occupation, pour tenir l’enjeu de performance et pour tenir, au-delà, l’enjeu de la santé et de la coopération. Rappeler cela revient à dire qu’un effectif n’est pas un collectif. il n’y a pas de proportionnalité automatique entre les deux. Ce qui fait la qualité d’un collectif est dans la relation, laquelle a besoin d’un espace pour se développer. Et il est peu probable que cet espace aura cette qualité s’il est saturé. s’il faut optimiser, il faut aussi repérer le moment où l’ajout d’un élément de plus est en fait une perte. il faut des dispositifs d’analyse qui valorisent la marge. Un espace de travail peu occupé peut en effet être bien habité et être ainsi source de création de valeur.
Traiter la question de l’intimité
Selon sa culture et ses pratiques, on peut penser que peu de personnes a priori ont envie d’aller dans un espace de travail où les places ne sont pas affectées. C’est contre-intuitif. Et pourtant, cela fonctionne. Les individus font un cheminement de pensée.Si l’on s’inscrit dans une logique de développement, on parie sur une puissance. Évidemment, s’ils résistent, ce n’est pas au changement. La question n’est pas de vaincre une résistance.
Elle est de faire émerger un appel, de faire écho à une intention, à une attente qui est leur.
Les gens ne sont pas seulement la somme ce qu’ils connaissent ou de ce qu’ils ont déjà fait. ils sont tout autant l’accumulation de leurs espérances. L’enjeu d’un projet est de rejoindre les gens dans ce qu’ils attendent, ce qui est disponible et peut-être même, ce qui s’impatiente chez eux. La communication fonctionne dans les deux sens. L’enjeu n’est pas de vendre, c’est de savoir écouter. Or écouter, c’est se mettre en position de recevoir. si l’on ne veut pas entendre, on ne peut pas communiquer. Communiquer, c’est une modalité de la relation dans laquelle les deux pôles bougent ensemble. Cela suggère un temps qu’il faut encore « habiter », lui aussi.
La fonction d’un espace de travail n’induit pas son usage
Un immeuble est un produit matériel, conçu par un maître d’œuvre en réponse à des fonctionnalités exprimées par un maître d’ouvrage et réalisé par un constructeur. mais une fois le bâtiment livré, il laisse la place à la raison du bâtiment qui est le travail et la vie. C’est « ça » qui permet de créer de la valeur économique, sociétale, professionnelle. mais pour évaluer cette valeur, il faut des instances qui soient déférentes pour dire ce qui va et ce qui ne va pas, ce qui est normal et acceptable. il faut que leur autorité soit reconnue, ce qui passe par la qualité des personnes qui les composent.
La valeur ne se mesure pas en matière d’écart à un objectif mais de puissance libérée par ce qui se passe vraiment. L’idée d’un espace conçu, d’un espace qui aurait par lui-même des intentions et des objectifs et sur lequel on calerait une mesure d’écarts, est de ce point de vue un piège. Ce qui est intéressant, c’est la puissance de l’espace de travailen question : en quoi il contient la possibilité d’une histoire, de faire occasion, en quoi il est « intention accueillante ».
Si l’espace est trop affecté, s’il est trop strictement imputé à des usages spécifiques, il peut être efficace, mais il est en même temps pure contrainte. il doit vivre. C’est le problème potentiel des nouveaux environnements où les collaborateurs ne disposent pas d’un poste attribué mais accèdent, selon leurs besoins, à différentes positions de travail mutualisées répondant à différentes fonctionnalités. au motif d’un espace adapté à chacune des dimensions de l’activité, on finit par allouer à chaque action un endroit pour la faire. Pour téléphoner, il faut aller ici. Pour se réunir, il faut aller là. Et pour travailler tranquille, ailleurs… Le postulat de ce type d’organisation et d’aménagement est que les personnes disposent, dans chacun de ces espaces fonctionnels, d’un environnement adapté offrant les meilleures conditions efficacité et de confort selon l’activité recherchée (activité en solo, créativité, collaboration…). Le risque à mettre en place des environnements trop spécialisés est que les personnes ne sont plus censés qu’enchainer des opérations dans des espaces dédiés, au mépris du fait que dans l’activité réelle, ils font beaucoup de choses en même temps et doivent rester disponibles pour en changer. Par exemple, un bureau fermé multiusages, qu’il soit dédié ou mutualisé, peut être utilisé selon différentes activités, travail solo, réunion de travail, espace projet, si son équipement le permet. Des espaces trop atomisés par l’essaimage d’activités morcelées risquent de faire perdre la dynamique de l’activité.
Appropriation, possession et pertinence
C’est l’appropriation qui est importante, dans les différents sens du mot. Dans le sens de la possession, mais aussi dans le sens de savoir si l’espace que l’on s’approprie est « approprié », s’il est pertinent. L’espace ne peut pas être appropriable s’il n’est pas approprié. L’espace de travail doit convenir, venir vers, il doit être accueillant à l’usage. s’il n’est qu’approprié sur le mode de la possession, c’est un autre « chez moi », il est approprié pour son pouvoir identitaire et sur des logiques de fragmentation, d’isolement et de guerre (dehors, c’est l’étranger).
Pour dépasser ces logiques, il faut passer par l’activité. si je suis là, c’est parce que là, je peux agir, je peux rejoindre les autres pour agir. C’est le vivre ensemble. Le risque est que dans les entreprises, au motif d’éviter les bureaux fermés « identitaristes », on ne bascule dans l’exact inverse en prétendant ouvrir vastement sur le monde… On peut s’interroger sur ce qui rend possible d’ancrer la subjectivité dans un espace habité, un espace où l’on peut se sentir quand même chez soi.
Nomadisme et sens
Pour prendre la mesure de ce que vaut un espace de travail, il faut distinguer le pays (d’où l’on tire sa ressource) et la résidence (là où l’on se tient), de là où l’on va chercher ses ressources, où on les rapporte et l’endroit pour lequel on est connu.
Pour Georges-Hubert de Radkowski, il convient de distinguer les trois âges de l’ « habiter » :
- Les nomades anciens qui connaissent une résidence mobile mais un pays limité ;
- Les sédentaires, aux résidences fies et aux pays petits ;
- Les nouveaux nomades, qui sont dans un pays à l’échelle de la planète, des pays sans limite fie, mais au risque d’une résidence qui y perd de sa substance.
Ces nouveaux nomades habitent moins des lieux que des nœuds. ils vont là où se concentrent les propriétés qui permettent d’avoir de influence sur l’environnement.
L’enjeu des espaces ouverts est alors d’occuper les lieux qui comptent, d’être là où cela se passe. mais comme ces espaces ouverts ne sont pas marqués simplement, il y a une perte de la limite. On parle d’espace « sans étendue ».
Cela pose alors la question du sens et de l’orientation. Pour habiter favorablement ces espaces, il faut avoir une trajectoire, un projet en tête, une direction. Les autres sont désorientés.
selon les situations, certains espaces de travail ouverts :
• peuvent être ainsi des endroits de fortes tensions, de sentiment de harcèlement.
L’apparence d’une grande accessibilité cache une grande invisibilité. Lorsque la proximité agit comme une promiscuité et la seule façon de reconstituer l’espace intime, c’est de l’intérioriser ;
• Ou peuvent au contraire favoriser une dynamique collective favorable au travail et à la cohésion des équipes et au développement de la performance collective.